Les entretiens sont toujours pris par les candidats comme une épreuve redoutable. Avoir à défendre un projet devant des tiers adultes qui vont, contrairement à mes parents et à mes professeurs, juger de ma capacité froidement, sans passion.
C’est très souvent la première fois que les candidats sont face à cette situation inhabituelle. Contrairement aux années précédentes, cette année, les entretiens ont lieu par vidéo-conférence. Chacun est chez soi : les candidats, les doyens, les professeurs. Il semble que cette modalité permette à tout le monde d’être plus détendu. Pas de longue attente dans les couloirs, pas de voyage fastidieux, pas de parents qui attendent fébrilement dans l’antichambre (encore que). Plus simple donc, plus détendu, mais plus concentré : 20 minutes strictes pour aller à l’essentiel : se présenter, être évalué sur son parcours, discuter du projet, recevoir des conseils, prendre aussi conscience de la difficulté de la sélection.
L’entretien n’est pas un examen et il n’est pas utile de le préparer en rédigeant des phrases toutes faites qui n’auront que peu d’impact sur le jury comme « Je rêve d’être … depuis que j’ai 4 ans », « Mon stage de troisième a été une révélation », ou d’autres remarques du même genre qui révèlent trop souvent un manque de maturité du candidat “je veux faire véto car j’adore les animaux!” ça serait un mauvais présage si vous ne les aimiez pas ????. Ceux qui apprennent par cœur sont souvent perturbés par le fait que le jury les désoriente par des questions qu’ils n’avaient pas prévues. Ils en perdent parfois leurs moyens. Le jury a de nombreuses manières de juger de la maturité des candidats : leur posture, leur langage, leur vision, les renseignements qu’ils ont recherchés sur l’Université, la formation, la connaissance qu’ils ont de leur futur métier, mais surtout leur spontanéité et leur sincérité.
Les milliers d’entretiens auxquels ont participé les jurés font qu’ils savent assez bien lire les choses derrière les choses, les intentions derrière les mots, les peurs, quelquefois les angoisses. Ils ne poussent jamais le candidat dans ses derniers retranchements, sauf lorsqu’ils constatent qu’on les mène grossièrement en bateau. Les candidats sont déstabilisés lorsqu’ils ne sont pas assez ou trop préparés, voire trop angoissés. Ce n’est pas un entretien d’embauche auquel vos parents ont peut-être participé ou dirigé. C’est une conversation simple et bienveillante, une évaluation des capacités à être admis, et à réussir.
L’entretien est important même s’il ne représente qu’un petit pourcentage % de la note de classement. Il est arrivé que le Doyen ou un membre du jury décide de pousser un dossier faible si la personnalité du candidat est exceptionnelle, ou de freiner une candidature d’un bon dossier, mais dont la personnalité du candidat ne correspond pas aux valeurs de l’université. L’entretien permet surtout de faire la différence entre deux candidats qui ont le même profil.
Bien que l’intervention soit à la marge, elle n’en est pas moins très importante. Excepté en France où l’entretien n’est pas habituel comme mode de sélection, un très grand nombre d’universités de santé du monde privilégient d’avoir un entretien d’admission. Le jury peut arrêter les bavards, stimuler les muets. Il se pose constamment la question : « Je suis dans la salle d’attente d’un praticien, la porte s’ouvre et le candidat dit : Bonjour Monsieur, c’est à vous ». La question : « Est-ce qu’on lui ferait confiance ou pas ? ». Les formations auxquelles les candidats postulent sont exigeantes et longues, elles mènent à des professions éthiques, de responsabilité. Ils n’en sont le plus souvent pas encore conscients, cet apprentissage viendra avec le temps, mais ils doivent en avoir les capacités, avoir réfléchi aux enjeux humains qu’impliquent leur pratique. Ils doivent aussi être conscients du niveau requis pour y parvenir.
Enfin, ils doivent savoir écouter les conseils que les membres du Jury leur donnent parfois, si leurs prétentions de formation ne sont pas en ligne avec leurs capacités à être admis (selon les notes obtenues essentiellement au Baccalauréat dans le système de sélection applicable). Les membres du jury n’ont pas pour but de remplir des universités ou remplir des formations peu demandées (elles sont pleines chaque année). Leur seule préoccupation, c’est l’avenir des candidats. La majorité des candidats nous écoutent et des années après nous remercient de leur avoir permis de devenir des professionnels de santé respectés et respectables. D’autres persistent et souvent regrettent de ne pas nous avoir écoutés. En tout état de cause, soyez vous-mêmes ; n’essayez pas de nous faire plaisir par des phrases convenues ; ne craignez pas de faire part de vos doutes ou de vos peurs. C’est une preuve de maturité, c’est la preuve que vous y avez réfléchie.
Ces quelques conseils devraient vous permettre d’aborder cette « épreuve » de manière plus sereine et confiante.
À bientôt, donc.
Pr Erick Boccara.
Article mis à jour le : 17/11/2023